Offrir une cure d’étonnement !

Entre 1962 et 1988, j’ai du franchir +/30 fois la frontière entre la « Bundesrepublik Deutschland » et la « Deutsche Demokratische Republik » (si peu !) pour me rendre à la Foire de Leipzig, considérée comme la plus ancienne foire du monde, plus de 800 ans.

Le passage de la frontière était toujours une épreuve, surtout au retour, où une certaine anxiété vous prenait face aux « Vopos » (les policiers de la Volkspolizei), inspectant minutieusement votre voiture et vos papiers. Pas des marrants ! On poussait toujours un « ouf » de soulagement lorsque l’on arrivait du côté Ouest.

J’appréciais ce voyage à Leipzig car le contraste  entre les deux Allemagne était sidérant et vous amenait à réfléchir. D’un côté la richesse, le modernisme, la liberté et de l’autre un autre monde, d’une époque révolue, morne, triste, pauvre, oppressé  par l’étatisme policier. On voyageait dans des conditions précaires et pourtant mes collègues et moi aimions nous rendre à Leipzig.

Pourquoi ? Tout simplement car en dehors des bonnes affaires qui se concluaient, nous faisions pendant 3 ou 4 jours une cure d’étonnement : le pays, les routes, les voitures (la fameuse Trabant), le logement chez le particulier ou dans des écoles, les restaurants mais aussi les formalités tatillonnes. Mais ce qui était paradoxal, c’est que nous aussi nous étonnions les habitants de la DDR avec ce qui nous paraissait banal et que nous aimions offrir : des Bic, des bas nylon, du savon, des lames de rasoir, du café, et surtout des fruits, comme des bananes ! Tout cela valait de l’or dans un pays ou il fallait faire la file pour acheter du pain et de la viande.

Et nous, avons-nous encore cette faculté d’être étonné par tout ce qui nous entoure ? Tant de choses nous paraissent normales, naturelles, et même dues. Pour un rien des personnes se plaignent, revendiquent, partent en grève…On devrait leur offrir une petite cure d’étonnement dans certains pays qui aujourd’hui ressemblent à ce qu’était la DDR pour leur faire comprendre à quel point la Belgique, comme la France, ce n’est pas si mal pour y vivre et y travailler.